Écouter, accompagner, partager : le quotidien de Jean, volontaire, à l’unité de soins palliatifs « Aquarelle » à Waremme

Publié le 28 avril 2025

Jean, qu’est ce qui t’a amené à devenir volontaire en soins palliatifs ?
J’ai fait pas mal de volontariat dans le secteur social : prévention du suicide, alphabétisation à la Croix Rouge, accompagnement de personnes en situation de handicap… qui m’ont amené vers les soins palliatifs.

Dans le cadre de ton volontariat, as-tu suivi une formation pour accompagner au mieux les personnes qui sont en soins palliatifs ?
J’ai fait une formation à l’écoute en dehors de PalliaLiège en tant qu’intervenant psychosocial. Grâce à PalliaLiège, j’ai aussi fait un stage en maison de repos.

Tu avais différents lieux où tu pouvais exercer ton volontariat : en maison de repos, dans une unité de soins palliatifs ou à domicile. Tu as choisi l’unité de soins palliatifs, peux-tu me dire les raisons qui t’ont poussé à faire ce choix ?
Ce que je cherchais dans le volontariat, c’était une mission régulière. C’est ce que j’ai trouvé à l’unité de soins palliatifs de Waremme, où je suis présent trois fois par semaine.

Peux-tu expliquer ce que tu fais concrètement ?
Je rencontre les patients et je les écoute. En général, les entretiens avec les patients ne sont pas très longs en raison de la fatigue qui s’installe assez vite. Je ne les rencontre pas tous: certains dorment, se reposent ou ne sont pas en état de recevoir de visite.

Au début de notre rencontre, tu me disais que ce volontariat te plaisait… qu’est-ce que tu apprécies le plus ?
Et bien, je rencontre des gens !  Déjà l’équipe soignante est géniale, j’ai eu un excellent contact que j’ai toujours d’ailleurs. Et les patients que je vois, c’est à chaque fois une nouvelle rencontre, c’est un échange win-win. J’entretiens une relation privilégiée avec eux: je ne fais ni partie de la famille, ni du cercle d’amis, ni de l’équipe médicale. Je suis simplement quelqu’un d’autre. J’ai l’impression, et je crois que c’est fondé, que pour les personnes en fin de vie, rencontrer quelqu’un de nouveau leur apporte quelque chose de différent à ce moment de leur vie.

Quels sujets abordes-tu avec quelqu’un qui est en unité de soins palliatifs ? Parles-tu de tout, de rien… de la mort ?
Non, je ne parle pas de la mort ou des soins, sauf si les patients l’évoquent eux-mêmes. En général, j’engage la conversation en demandant : « Qu’est-ce que vous faisiez dans la vie ?, Vous habitez loin ?, … » Je parle aussi de moi-même, en correspondance, et il y a un lien qui se tisse rapidement.
Hier, j’ai rencontré un monsieur nouvellement arrivé à l’unité. Il venait de loin, avait des difficultés à parler. Je me suis présenté : « Je suis bénévole, je viens papoter un peu, vous tenir compagnie si vous le souhaitez. Si vous préférez être seul ou si vous vous sentez fatigué, vous me le dites et je sors. » Directement, il m’a fait signe que j’étais le bienvenu, m’a demandé mon prénom et ce que je faisais dans la vie. Je lui ai demandé la même chose. J’avais beaucoup de difficulté à le comprendre. Il a réclamé quelque chose pour écrire et on a pu échanger via des messages manuscrits. Il y a des gens que je vois très peu, une fois, deux fois, d’autres que je ne vois jamais…
Quand les gens abordent leur départ, je leur pose toujours les mêmes questions : « Qu’est-ce que ça vous donne comme sentiment quand vous pensez à ça ? Qu’est-ce que vous ressentez quand vous pensez à ça ? » Et bien souvent, ils n’ont pas besoin d’en parler. Il y a des cas de déni jusqu’à la dernière minute et puis, il y a des gens qui me disent, comme ce monsieur, « Mes papiers sont réglés … ».

La relation va très vite… cela veut dire que tu ressens de l’attachement pour les personnes que tu rencontres ?
Je me suis fait un ami là-bas, j’ai d’ailleurs fait son portrait. Je n’ai pas de problème avec ça, un regret évidemment de le voir partir… Dès le début, nous avons eu un excellent contact. Je l’ai vu pendant deux mois. La 1ʳᵉ fois, il était habillé, il était en super forme et son état s’est dégradé doucement. Au fil du temps, il est resté au lit, a reçu de l’oxygène, des perfusions… C’était une personne vraiment charmante, très chaleureuse et je voyais bien qu’il était très content de me voir à chaque visite.

Vas-tu voir aussi les personnes qui ne sont plus en mesure de parler ?
L’état de santé des patients, dans l’unité, est très variable. Il y a des périodes où les patients sont encore assez autonomes, et d’autres, comme pour le moment, les patients sont tous à un stade très avancé de la maladie.

Ton rôle de volontaire est-il aussi d’aller dans les chambres où les patients ne sont plus réceptifs à ta présence ?
Et bien, jusqu’à présent, ce que je faisais en arrivant, c’était de passer par le bureau des infirmiers et je leur demandais chez qui je pouvais passer. A présent, systématiquement, je vais rendre visite à tous les patients qui ont marqué leur accord préalablement.

Et… tu peux rester dans la pièce même si la personne ne parle pas ?
Oui, je peux rester dans la pièce même si la personne ne parle pas. Quand la conversation est impossible, je parle de moi, je raconte un film. Je pratique aussi l’hypnose conversationnelle pour aider la personne à retrouver un moment heureux de sa vie et d’essayer de lui faire vivre un peu ce souvenir : « Y-a-t-il des sons, des odeurs qui vous rappellent ce moment ?« 

Si quelqu’un hésite à faire ce genre de volontariat, qu’est-ce que tu pourrais lui dire ?
Le problème qui peut arriver, je l’ai entendu lors d’une réunion entre volontaires à PalliaLiège, c’est qu’on s’attache trop. Cela peut être un engrenage et cela peut amener des personnes à se sentir mal.

Dans ta posture, qu’est-ce qui te permet que ce soit plus facile pour toi ? Qu’est-ce qui t’amène à ne pas t’attacher de cette manière-là ?
En fait, j’ai deux facettes. J’établis très vite le lien, je suis ouvert et vraiment, ça passe de manière systématique très bien. Mais j’ai aussi cette faculté de ne pas (trop) m’attacher et, quand je rentre chez moi, j’ai simplement une petite pensée pour les personnes avec lesquelles j’ai été en contact.

Faut-il avoir réfléchi à sa propre mort avant de devenir volontaire dans une unité de soins palliatifs ?
Pas spécialement.

Être volontaire en soins palliatifs, c’est surtout des rencontres, n’est-ce pas ?
Oui, c’est principalement des rencontres. Ce que j’apporte aux patients, c’est une présence. Je vois que ça leur fait du bien, ça me fait du bien aussi.

Et dis-moi, qu’est-ce que tu leur apportes ?
J’offre aux patients un contact différent des interactions qu’ils ont habituellement. Je parle à tous les patients de la même façon, qu’ils soient dans leurs lits avec des perfusions ou non. Je les considère avant tout comme des personnes comme toutes les autres et donc, nos échanges sont tout à fait naturels.

Propos recueillis par Claire Brouwez, coordinatrice, PalliaLiège